Ainsi, Tristan et Iseult avaient-ils survécus. Leur amour avait été le plus fort, les préservant tous deux.
Suite à leur serment d'amour, leurs destinées étaient liées. Si l'un d'eux mourrait, alors l'autre mourrait...
Et pourtant, jour après jour, ils fomentèrent leur stratégie alors que tous deux étaient réunis, chaque soir sur leur banc.
Ils avaient fêté leur survie de la plus belle des manières, faisant l'amour durant des heures, sur le bord de la baie.
Les semaines passèrent...
Hélas, lseult devait s'acquitter de ce que lui dictait sa nature, et il ne se passait pas une semaine sans que l'on apprenne la disparition d'un villageois.
Ils vivaient tous les deux avec cela, Iseult regrettant le jour, puis obéissant à l'animalité de son instinct la nuit, prelevant une vie, ici ou là, pour satisfaire sa panse. Malgré l'amour infini qu'il avait pour la belle Iseult, Tristan passait ces nuits là seul, fermant ses yeux, livré face à sa conscience, face à l'horreur des scènes qu'il imaginait.
Le matin, lorsqu'elle se réveillait, Iseult comprenait, et pleurait.
Leurs jours se transformaient en cauchemards, se demandant sans cesse si Iseult allait se lever la nuit suivante.
Bien des fois, elle lui avait demandé de l'attacher, ce qu'il fit. Mais la transformation de son corps lui permettait à chaque fois de dénouer ses liens.
Bien des fois, elle le supllia pour qu'il l'enferme, mais à chaque matin, ils regardaient la désolation d'une porte déchiquetée, et des restes humains gisant juste à côté.
Un soir, il se retrouvèrent au bord du lac, près de leur banc.
Ils se dévêtirent, puis Tristan sortit une dague de sa besace.
Regardant tous les deux le fil de la lame blanche, ils se sourirent. Pour rassurer l'autre, et parce qu'ils s'aimaient.
Ils s'embrassèrent longuement, mélèrent leurs corps une dernière fois. Chacun désirait à ce moment s'en arrêter là, mais ils en avaient assez parlé pour savoir qu'ils ne pouvaient plus reculer.
Ils s'embrassèrent une dernière fois.
La lame glissait doucement dans sa peau, s'enfonçant à la rencontre du coeur. Une ou deux secondes tout au plus qui durèrent une éternité. Leurs regards embués par leur amour desespéré se faisaient toujours face. Ils se souriaient, malgré leur douleur.
Leurs derniers mots furent :
Je t'aime, je t'aime jusqu'à la mort.
Le corps d'Iseult glissa le long du sien. Il retint le poids du corps mourrant comme il le put, l'aidant à glisser sur la mousse recouvrant le sol. Il s'allongea à côté d'elle, caressant son visage, ses cheveux, ses lèvres. Il posa ses lèvres sur celles du corps sans vie, puis lui murmura
- Attends-moi, mon amour, j'arrive...
Tristan ne tarda pas à sentir une vive douleur au coeur. Il sentit ses forces le délaisser, peu à peu, la sève de sa vie l'abandonnant. Une goutte de sang vint perler entre ses lèvres, puis une deuxième, suivie d'une troisième. A peine put-il poser une main sur la joue découverte d'Iseult avant de perdre connaissance.
Une vieille femme cessa sa cueillette de champignons. Elle reconnut le banc de ses premiers émois qui remontaient à bien des décennies... lorsqu'elle discerna les deux corps allongés.
Elle ne connaissait pas tout le monde à Saint Brieuc, mais ces deux là, elle les avait déjà croisés et rencontrés.
Louison et Olixius étaient allongés au sol. Elle s'approcha et porta sa main sur leur coeur. Leurs corps étaient tièdes, leur respiration très lente.
La dague avait atteint le coeur d'Iseult trop superficiellement pour lui ôter complètement la vie.
la vieille femme accourut, comme elle le put, chercher ses deux fils. Ces derniers vinrent avec elle et l'aidèrent à transporter les deux corps inanimés chez elle.
La vieille femme usa de tout son savoir sur les herbes pour les maintenir en vie, pendant des semaines, des mois. Elle était stupéfaite de voir le ventre de Louison grossir, malgré son état qui ne s'améliorait pas. Elle avait également été stupéfaite de voir Oli gisant, comme mort, malgré l'absence de plaie.
Alors que le ventre grossissait toujours, la vieille, conseillée par ses deux fils, dut prendre une douloureuse décision. Sortir l'enfant probablement arrivé à terme de ce ventre, lui permettre de vivre. Inutile d'attendre des contractions de la part d'une femme depuis si longtemps inanimée.
Aussi, à l'aide d'une lame fine et extrêmement tranchante, elle traca un long trait le long du ventre de la mère.
La naissance du bébé provoqua toutefois une funeste fin. Tristan et Iseult ouvrirent les yeux une dernière fois.
Ils s'observèrent quelques instants, se dirent qu'ils s'aimaient par le simple langage de leurs pupilles, puis les refermèrent à jamais.